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AU ROY[1].


Cher object des yeux et des cœurs,
Grandroy, dont les exploits vainqueurs
N’ont rien que de doux et d’auguste,
Usez moins de vostre amitié :
Vous perdrez ce tiltre de Juste
Si vous usez trop de pitié.

Quand un roy, par tant de projects,
Voit dans l’ame de ses sujects
Son authorité dissipée,
Quoy que raisonne le conseil,
Je pense que les coups d’espée
Sont un salutaire appareil.

L’honneur d’un juste potentat
Est de faire qu’en son estat
La paix ay des racines fermes.
Par là se doit-il maintenir
Et demeurer tousjours aux termes
De pardonner et de punir.

Contre ces esprits insensez,
Qui se tiennent interessez
En la calamité publique,
Selon la loy que nous tenons,
Il ne faut point qu’un roy s’explique
Que par la bouche des canons.

Les forts bravent les impuissans,
Les vaincus sont obeïssans,
La justice estouffe la rage :

  1. Cette ode et la suivante sont de 1620. Une ligue de mécontents s’étoit formée, et la reine-mère étoit à la tête du parti. Elle s’étoit avancée jusqu’à La Flèche, où le cœur de Henri IV avoit été déposé, selon sa volonté, dans l’église du collège des jésuites. Les révoltés furent bientôt soumis, et les articles de la paix furent arrêtés le 9 août.