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Ne me luit plus qu’avecques peine :
Sur le faiste affreux d’un rocher,
D’où les ours n’osent approcher,
Je consulte avec des furies,
Qui ne font que solliciter
Mes importunes resveries
À me faire precipiter.

Aujourd’huy, parmy des sauvages
Où je ne trouve à qui parler,
Ma triste voix se perd en l’air,
Et dedans l’echo des rivages.
Au lieu des pompes de Paris,
Où le peuple avecques des cris
Benit le roy parmy les rues,
Icy les accens des corbeaux
Et les foudres dedans les nues
Ne me parlent que de tombeaux.

J’ay choisi loing de vostre empire
Un vieux desert où des serpens
Boivent les pleurs que je respans
Et soufflent l’air que je respire.
Dans l’effroy de mes longs ennuys,
Je cherche, insensé que je suis,
Une lionne en sa cholere,
Qui, me deschirant par morceaux,
Laisse mon sang et ma misere
En la bouche des lionceaux.

Justes cieux, qui voyez l’outrage
Que je souffre peu justement,
Donnez à mon ressentiment
Moins de mal ou plus de courage !
Dedans ce lamentable lieu,
Fors que de souspirer à Dieu,
Je n’ay rien qui me divertisse.
Job, qui fut tant homme de bien,