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sur Théophile.


être commencé une tragédie ; Mairet auroit travaillé sur son plan, auroit pris quelques vers. Il est certain que Mairet a eu fort peu de soin des manuscrits de son ami, mais cette négligence ne paroît pas avoir été calculée. Théophile prêtoit son argent à Mairet ; il ne lui prêtoit sans doute pas ses vers, malgré la trop grande abondance de sa veine.

Ainsi Théophile composoit, déclamoit ; ajoutons qu’il étoit fertile en bons mots, passe-temps qui consiste quelquefois à faire rire les hommes les uns des autres, à ses dépens. Nous ne savons s’il faut attribuer à cette cause les inimitiés qui bientôt s’élevèrent contre Théophile. Les épigrammes contenues dans ses œuvres sont innocentes ; on lui en attribue d’autres qui n’attaquent pas les individus. Celle du

Petit cheval, joli cheval,

si souvent citée, est, si nous ne nous trompons, de Mellin de Saint-Gelais, et bien moins une épigramme qu’un madrigal adressé à François Ier. On connoît les quatrains du Carpenteriana, le premier au duc d’Usez, qui proraettoit à Théophile de le porter en toute occasion, c’est-à-dire de l’assister de ses services :

Monseigneur, je vous remercie,
Tant d’honneur je n’ai mérité.
Et si de vous j’étois porté
On me prendroit pour le Messie.

Le second, à une dame :

Que me veut donc cette importune ?
Que je la compare au soleil !
Il est commun, elle est commune :
Voilà ce qu’ils ont de pareil.

Et ces reparties :

Oui, je l’avoue avecque vous,
Que tous les poètes sont fous ;
Mais, en sçachant ce que vous êtes,
Tous les fous ne sont pas poètes.

Un jeune abbé me crut un sot
Pour n’avoir pas dit un seul mot ;