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PREFACE.


Je ne sçaurois aprouver cette lasche espece d’hommes qui mesurent la durée de leur affection à celle de la felicité de leurs amis ; et pour moy, bien loing d’estre d’une humeur si basse, je me picque d’aimer jusques en la prison et dans le sepulchre. J’en ay rendu des tesmoignages publics durant la plus chaude persecution de ce grand et divin Theophile, et j’ay faict voir que, parmy l’infidelité du siecle où nous sommes, il se trouve encore des amitiez assez genereuses pour mespriser tout ce que les autres craignent ; mais, puis que sa mort m’a ravy le moyen de le servir, je veux donner à sa memoire les soings que j’avois destinez à sa personne, et faire voir à la posterité que, pourveu que l’ignorance des imprimeurs ne mette point de fautes à des ouvrages qui d’eux-mesmes n’en ont pas une, elle ne scauroit rien avoir qui puisse esgaller ce qu’ils vallent. Or, de ce grand nombre d’impressions qu’on a fait par toute la France de ces excellentes pieces, je n’en ay point remarqué qui ne doive faire rougir ceux qui s’en sont voulu mesler, et certes je commençois à desesperer de les voir jamais dans leur pureté naturelle, lors qu’un imprimeur de ceste ville, plus desireux d’acquerir de l’honneur que du bien, sans considerer le temps, la peine et la despence, s’est offert d’y apporter tout ce que peut un homme de sa profession. J’ay prins ceste occasion au poil, et, me servant des manuscripts que la bien-veillance de cet incomparable autheur a mis jadis entre mes mains, j’en ay corrigé ses espreuves si exactement que quiconque achetera ce digne livre sans doubte sera contrainct d’advouer que c’est la premiere fois qu’il a bien leu Theophile. De sorte que je ne fais pas difficulté de