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leur dist la place et le lieu où il estoient en aguet. Quant il orent ce oy, si pristrent avec eulz le conte de la Marche[1] et bien jusques à vc armeures de fer, et vindrent là où le roy d’Arragon estoit en aguet[2]. Quant il furent près, si cognurent bien que le roy d’Arragon[3] avoit trop greigneur nombre de gent qu’il n’estoient ; et avec tout ce, il ne cuidoient pas, ne ne savoient que le roy de Arragon fust en la compaignie. Si ne sorent que faire, ou de combatre ou de laissier ; quant Mahieu de Roye[4], chevalier preus et sage leur dit : « Seigneurs, veez là voz anemis que nous avons trouvez, et il est la veille de l’Assumpcion à la douce vierge pucelle Marie qui à la journée d’ui nous aidera. Prenez bon cuer en vous, car il sont escommeniez et dessevrez de la foy de sainte Eglise. Il ne nous convient pas aler oultre mer pour sauver noz âmes, car ci les poons nous sauver. » Adonc s’acorderent touz à ce qu’il disoit et coururent sus à leurs anemis moult fierement.

  1. Le comte de la Marche était alors Hugues XIII, fils aîné de Hugues XII, qui lui succéda en 1270 et mourut le 1er novembre 1302.
  2. « In aurora » (G. de Nangis), au point du jour.
  3. D’après G. de Nangis, ce serait le roi d’Aragon qui aurait attaqué les Français : « Petrus vero ipsos venire percipiens, quia pauci ad suorum numerum videbantur, in damnum sui ipsius, vel potius mortis dispendium, eosdem invadere festinavit. » Cf. Chronique latine, éd. Géraud, t. I, p. 265 : « Quos videntes Arragonii, quia pauci ad eorum numerum videbantur, protinus irruerunt in ipsos. » Voir sur ce fait d’armes Lecoy de la Marche, op. cit., t. I, p. 260-263, et Langlois, op. cit., p. 160-161.
  4. Ce passage relatif à l’intervention de Mathieu de Roye n’est pas tiré des Gesta Philippi de G. de Nangis.