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prist avec lui de ses chevaliers et de sa gent d’armes et se mist au chemin avec le bastart de Roussillon, et vindrent au lieu où le bastart avoit dit et devisié, et si n’estoit loingn de l’ost que par une mille. Le bastart ala devant et le roy après parmi une voie si estrange, plaine d’espines et de ronces qu’il sembloit que onques homme n’i eust habité[1]. Tant alerent a grant paine et a grant travail qu’il vindrent au dessus des montaignes, et par ilec firent passer tout l’ost sanz avoir nul domage, que ce sembloit bien que ce fust impossible.

Ceus d’Arragon qui le pas de l’Escluse gardoient, regarderent par devers les montaignes ; si aperçurent l’ost de France qui jà estoit au dessus ; si furent touz esbahiz et orent si grant paour qu’il tornerent en fuie, ne ne porent riens porter, tant se hasterent ! Les François vindrent à leurs paveillons et pristrent quanqu’il trouverent, et puis tendirent leurs tentes au plus haut des montaignes ; mais de boire et de mengier orent-il pou. Si se tindrent ilec iii jours et se reposerent pour le grant travail qu’il avoient eu[2]. Si comme il orent passé ce pas et il furent reposez, le roy commanda que l’en alast droit à une ville qui a nom Pierrelate[3]. Quant il aprochierent de la ville, ceulz qui bien les aperçurent

  1. Le col de la Massane.
  2. Le col de Massane dut être franchi probablement dans la nuit du 8 au 9 juin, en tout cas avant le 11, jour où les troupes royales se trouvaient dans les premières vallées du comté d’Ampurias (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXII, p. 453. Cf. Lecoy de la Marche, op. cit., p. 243-244).
  3. Pierrelate, auj. Perelada, Espagne (Catalogne), prov. de Girone. Sur la prise de cette ville, dans laquelle les Français entrèrent probablement le 20 juin, voir Lecoy de la Marche, op. cit., p. 246-249.