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çois qu’il venissent à eulz pour combatre. Le prince qui ilec estoit demouré pour ce que le conte d’Artois estoit alé en Calabre pour certaine cause, si fu moult esmeu de leur cri et de la noise qu’il demenoient[1]. Si prist trop grant hardiesce en lui et entra avec les François combateurs en mer ; mais il ne s’oserent ainsi aidier de bataille comme s’il fussent en terre[2] ; si furent tantost pris et menez en Meschines et moult bien enprisonnés et gardez de jour et de nuit. La nouvelle en vint à Constance[3], la femme au roy d’Arragon, qui demouroit à Palerne avec ses enfanz, Jaques et Mainfroi. Si les fist mener bientost près de Naples et dire à ceulz qui menoient le prince par la mer[4] : « Rendez nous la seur madame Constance que vous tenez, ou nous coperons tout maintenant la teste au prince. » Adonc en y ot i qui prist une hache et mist la teste au prince sus le bort de la nef aussi comme s’il li vousist couper. La femme au prince qui trop grant paour ot que l’en ne coupast la teste à son baron, si leur manda que volentiers la leur rendroit ;

  1. G. de Nangis ajoute : « ac de adventu patris inscius ».
  2. Le sens du latin n’a pas été complètement rendu. « Sed quia belli navalis gens sua ignara extitit, et potius fraude nautarum, ut aiunt, deceptus. » Ce fut le 5 juin 1284 que le prince de Salerne fut pris par l’amiral sicilien Roger de Loria (L. Cadier, op. cit., p. 103, et de Saint-Priest, op. cit., t. IV, p. 148 et suiv.).
  3. Constance, fille de Mainfroi, roi de Sicile, et son héritière, avait épousé en 1261 Pierre III, roi d’Aragon ; elle mourut à Rome en 1298.
  4. C’est à sa femme qu’elle le fit voir depuis la mer, « fecit eum festinanter prope Neopolim ducere, et de mari ejus estendere uxori ».