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leur donnoit souvent grant assaut et les faisoit souvent reculer.

Quant le conte d’Artois vit qu’il ne vouloient issir hors ne venir à bataille contre lui, si fist ses engins[1] drescier et fist ruer de jour en jour pierres et mongonniaux qui abatoient tout avant eulz quanqu’il trouvoient, maisons, sales et palais. Si orent ceulz de dedenz grant paour, qu’il ne sorent que faire, ne n’avoient nulle esperance de sauveté, se ce n’estoit par fuite ; et vindrent à Garse Morant, et li demanderent qu’il pourroient faire ; et il leur dist qu’il ne s’esbaïssissent de riens et que le matin il chaceroit les François du siege. Quant ce vint à l’anuitier, il fist grans queroles et grans tresches, et chanter à haute voiz pour donner cuer à ses bourgois qui trop forment s’espoentoient ; si disoit et afichoit qu’il avoit trop grant desir de combatre à ses anemis. Si comme vint entour mie nuit que la nuit fu bien oscure, et le peuple fu acoisié[2], Garse Morant et Golsant[3], et les autres plus nobles de Navarre issirent de la cité le plus secrément qu’il porent et tournerent en fuie. Garse n’osa demourer en Navarre pour le linage Pierre de Sanses, ains s’enfui tant comme il pot au roy de Castelle[4] qui le

  1. L’ingénieur qui fit ces engins se nommait Bouquin. Il trahit ensuite le comte d’Artois et passa dans la ville de Pampelune où il fut pris et mis à mort (Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XXI, p. 93).
  2. Acoisié, reposé.
  3. Gonsalve d’après la leçon du Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 507. Ce nom ne figure pas dans le texte latin à cet endroit.
  4. Primat donne le nom de la ville où il était : « Saint Domin de la Chauciée », auj. San Domingo de la Calzada (Vieille-Castille).