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lui, laquelle il n’osoit monstrer apertement, il, par son sens l’atraioit à pès charitablement par debonnaireté et faisoit amis de ses anemis en concorde et en pès. Et si comme l’Escripture dist : « Misericorde et pitié gardent le roi et debonnereté ferme son throne[1] » ; tout aussi le throne du reamme de France fu gardé fermement et en pitié el temps du bon roy, quar misericorde et verité qu’il avoit touz jourz amée le garderent. Es causes qui estoient tornées contre lui de ses hommes et de ses sougiez, le bon roy aleguoit touz jourz contre soi ; pour ce le fesoit que cil qui estoient de son conseil et qui devoient fere droit jugement pour lui ou contre lui es causes meues contre ses sougiez, ne se declinassent de fere droit jugement pour la paour de lui. Il envoioit souvent enquesteeurs sus ses prevoz et sus ses bailliz par son reamme, et quant l’en trouvoit chose qui faisoit à amender, il faisoit tantost restablir le deffaut qui fesoit à amender. Ice meismes fesoit-il souvent fere sus la maisnie de son hostel, et fesoit punir ceus que l’en trouvoit corpables selonc ce qu’il avoient deservi. Il se gardoit mout de dire vilaines paroles, meesmement de detractions et de mençonges ; poi ou néent maudisoit, ne ja ne deist vilanie à homme, tant feust de petit estat. Especialment le roy se tenoit de jurer du tout en tout, en quelque maniere que ce feust ; et quand il juroit, si disoit : « En non de moi ». Mais i frere meneur l’en reprist ; si s’en garda du tout en tout[2] et ne jura autrement, fors tant qu’il disoit : « si est » ou « non est ». L’en ne pooit trouver homme, tant fust sages ne letrez, qui si bien jugeast une cause

  1. Proverbes, chap. xx, verset 28.
  2. Cf. Joinville, § 686 ; G. de Saint-Pathus, op. cit., p. 124.