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leva l’endemain de son lit, il vesti la haire emprès sa char nue. D’iluec se parti et vint par le mont de Thabor et entra en Nazareth la veille de Nostre Dame en Marz. Si tost comme il vit la cité, il descendi de son cheval et se mist à genous et aoura Nostre Seigneur et Nostre Dame. D’iluec en avant, il ala tout à pié jusques atant qu’il vint au lieu où Nostre Sires Jhesu Crist fu norriz, et celui jour il geuna en pain et en eve et si estoit-il mout travailliez de cheminer si longue voie à pié. Tantost comme il ot fet son disner de pain et de iaue, il fist chanter vespres hautement, et l’endemain à l’aube du jour, matines à chant et à deschant et à trible. Aprés il fist chanter la messe en la place où l’angle Gabriel salua Nostre Dame. En la fin de la messe il reçut le vrai pain des angles qui est le vrai cors Nostre Seigneur, en grant devocion et en grant humilité et puis s’en retorna au Japhet où il sejorna une piece de temps pour la royne sa fame qui ot une fille qui fu apelée Blanche[1]. Assez tost aprés, nouvelles li vindrent que la royne Blanche sa mere estoit morte[2]. Si tost comme il le sot, il commença à pluerer et s’agenoilla devant l’autel de sa chapelle et pria mout devotement pour l’ame de sa mere. Après ce que le roi ot dit ses oroisons, les prelaz et le clergié s’assemblerent et chanterent vigiles de mors et commendacions de l’âme. De ce jour en avant, le roy fit chanter chascun jour messe especial devant lui pour l’ame de sa mere, s’il ne fu diemenche ou feste sollempnel.

  1. Blanche naquit à Jaffa ; la reine Marguerite vint, peu après la naissance de Blanche, à Saïda (Joinville, § 593).
  2. Saint Louis aurait appris la mort de sa mère à Jaffa (Geoffroi de Beaulieu, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 17. Cf. Joinville, chap. cxix).