Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 4.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tortouse. Ysembart, Hademare, Bere et Borrel[1] fist chevetains de l’autre partie et leur commanda que il s’en alassent au desus d’un flum qui est apelez Hiberus[2], et quant il auroient trové passage, que il coreussent hastivement seur leur anemis que il troveroient desporveuz. Li rois se departi d’aus et conduist son ost droit à Tortouse. Cil chevauchierent si longuement selonc le flum d’Iberus que il troverent passage. Outre passerent, et un autre flum aprés qui a non Cigne[3]. vi jors chevauchierent ensi. Par nuit chevauchoient si tost com il pooient ; par jor se tapissoient en valées et en forez, et quant il furent ensi passé bien avant sanz domache, il s’espandirent par la terre de leurs anemis et degasterent tout, et alerent jusques à une grant leur cité qui a non Vile Rouge[4]. Moult i firent grant gaeng

  1. Marca, dans Marca hispanica, col. 293, donne à Borrel ou Burel le titre de comte de Vich, « comes Ausonensis ».
  2. Hiberus, l’Èbre.
  3. Cigne, latin « Cingam », auj. la Cinca, affluent de la Segre, qui elle-même se joint à l’Èbre un peu au-dessous de Mequinenza.
  4. L’Astronome qualifie ainsi cette ville : « Villam eorum maximam, quæ Villa-Rubea vocatur. » Marca (Marca hispanica, liv. III, chap. xviii, col. 293) n’identifie pas cette ville. Paulin Paris (Grandes Chroniques, t. II, p. 312, n. 4) n’hésite pas à identifier « Vile-Rouge » avec « Villa-Rubia, sur le Tage, à deux lieues d’Ocagna ». Nous croyons qu’il n’est guère possible d’accepter une telle identification quand on examine avec soin le récit de cette expédition. Villarubia de Santiago (prov. de Tolède), ville à laquelle fait allusion Paulin Paris, se trouve à environ 450 kilomètres à vol d’oiseau de Santa Coloma, point de départ de la chevauchée. De plus, la chevauchée se fait le long de l’Èbre, en remontant vers le nord, « superiores Hiberi partes », puisque la Cinca fut franchie. La grande distance à parcourir, 900 kilomètres environ aller et retour à vol d’oiseau,