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tout là où il aloient, que li mondes s’en merveilloit ; et cuidoient aucun que il fussent fol et desvé[1].

La novele vint à l’empereor, qui touz jors avoit amée sapience. Hastivement furent mandé, et quant il furent devant lui, il lor demanda se ce estoit voirs que il eussent sapience. Il respondirent que il l’avoient et que il estoient prest du doner et de l’aprendre, ou non de Nostre Seigneur, à ceus qui le requerroient. Après, lor demanda li empereres quel loier il voloient avoir de ce faire ; il respondirent que nule riens, fors tant seulement lieus covenables à ce faire et ames subtiles et engigneuses et netes de pechié, et la soustenance du cors tant seulement, sanz laquele nus ne puet vivre en ceste mortel vie. Quant li empereres oï ce, il fu rempliz de merveilleuse joie, car ce estoit une chose que il desirroit moult. Premierement les tint ovec li une piece du tens, jusques a tant que il li covint ostoier en estranges terres contre ses anemis. Lors commanda que li uns, qui Climenz[2] avoit non, demorast à Paris. Enfanz fist querre, fiuz de nobles homes, de moiens et de plus bas, et commanda que on lor amenistrast quanque mestiers lor seroit ; lieus et escoles lor fist faire covenables pour aprendre. L’autre[3] envoia

  1. Desvé, insensés.
  2. Clément, surnommé le Scot ou l’Hibernien, dirigea l’école du palais après qu’Alcuin se fut retiré au monastère de Saint-Martin de Tours. Suivant B. Hauréau, il ne faut pas le confondre, comme le fit l’Histoire littéraire, t. IV, p. 83 et 105, avec un autre Clemens Scotus qui, au viiie siècle, troubla l’église de Mayence (voir Nouv. biographie générale. Cf. Gabriel Monod, Études critiques sur les sources de l’histoire carolingienne, 1re partie, p. 51).
  3. M. Gabriel Monod, op. cit., p. 51, pense que l’on pourrait peut-être identifier cet autre Irlandais avec Dungal, qui, en 811, écrivit à Charlemagne au sujet de deux éclipses de soleil arrivées en 810 (voir, sur lui, Histoire littéraire de la France, t. IV, p. 493).