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les années qui précèdent ou suivent de près son entrée à l’Académie Française, celle d’Anatole France se distingue des autres, non par une admiration moindre, mais par une admiration fondée sur des motifs assez différents,

Alors qu’on paraît s’accorder à voir dans les poèmes de Leconte de Lisle des œuvres dignes du siècle de l’histoire, Anatole France met en doute l’autorité d’un historien si passionné. Il n’est pas plus chrétien que l’auteur des Poèmes Barbares, mais connaissant bien, lui, le Moyen Âge, il en prend la défense contre la haine du poète. Il écrit son article peu avant le discours de réception[1]. Il prédit qu’il y aura dans le discours un morceau sur le Moyen Âge. Il devine que ce morceau sera concis et violent ; car « M. Leconte de Lisle poursuit le Moyen Âge de sa haine. Et, comme c’est une haine de poète, elle est très grande et très simple. » Mais le critique croit que « cette haine qui est bonne pour faire des vers serait mauvaise pour faire de l’histoire ». « M. Leconte de Lisle ne voit dans le Moyen Âge que les famines, l’ignorance, la lèpre et les bûchers. C’est assez pour écrire des vers admirables quand on est un poète tel que lui. En réalité, il y a bien autre chose dans ces temps qui nous sembleraient moins obscurs si nous les connaissions mieux. Il y a des hommes qui firent sans doute beaucoup de mal, car on ne peut vivre sans nuire, mais qui firent plus de bien

  1. L’article est reproduit en 1889 dans La Vie littéraire, t. I.