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LA NOUVELLE ÉQUIPE

La femme de Jacques Bourdeau, la main sur l’épaule de son mari, pleurait. Le jeune Robert, sans comprendre toute la gravité du moment présent, était venu se serrer contre sa mère, et la petite fille, d’instinct, avait pris la main de son père.

— Mes enfants, murmura le charpentier, d’un ton d’angoisse.

— Bah ! Monsieur Bourdeau, il ne faut pas trop se frapper, dit le voisin. C’est une guerre qui ne sera pas longue, voyez-vous. Avec les armes qu’on possède, maintenant, une guerre ne peut pas se prolonger. Celle de 70 a duré six mois ; celle-ci n’en durera peut-être pas trois.

— On n’en peut rien dire, interrompit Léon. La guerre de 70 ne ressemblait pas à celle qui va commencer. Songez que six nations, déjà, s’affrontent, et qu’on ne peut prévoir si d’autres encore ne se mêleront pas au conflit.

— Raison de plus pour qu’elle soit courte.

— D’ailleurs, fit Jeanne, d’une voix frémissante, ce n’est pas la durée probable qui doit nous frapper. Ce qui est monstrueux c’est qu’une guerre soit possible à notre degré de civilisation. Penser qu’on peut encore accepter cela, c’est une honte pour l’esprit humain. Sans répondre, Maurice prit la main de sa femme et la serra.

— Et puis, ajouta Mme Bourdeau, aussi courte qu’elle sera, elle ne passera pas sans faire des victimes. Et beaucoup partent qui ne reviendront pas.

Le charpentier, silencieux lui aussi, attira sa femme dans ses bras, pendant que la petite fille éclatait en sanglots.

— Papa, Papa ! cria l’enfant, je ne veux pas que tu ailles à la guerre.

Spontanément, Jeanne s’élança vers la petite fille, la serra sur sa poitrine.