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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Après tout, avait conclu Didier, il n’est pas tellement difficile de tromper un vieillard de quatre-vingt-trois ans.

Et ma foi, on y réussit. Les fêtes du premier janvier se passèrent sans incident. On avait tellement bien persuadé au général que les brouillards de la région parisienne ne pouvaient que lui être funestes, qu’il s’était laissé convaincre et qu’il était décidé à repartir dans le midi vers le 8 janvier.

— Nous l’aurons échappé belle, dit Henriette.

Le 5 janvier, le général Delmas était seul avec Julien Lenormand dans la petite pièce où le peintre aveugle travaillait. L’artiste le mettait au courant de ses travaux. Il se livrait en ce moment à une nouvelle étude sur la peinture. Désireux lui aussi d’apporter sa contribution à la bonne œuvre d’Henriette, il essayait d’intéresser le général à la méthode Braille, lui expliquant le mécanisme de l’écriture des aveugles, cette écriture qui demandait tant de patience. Pour éclairer sa démonstration il attira à lui le casier dans lequel il renfermait ses feuilles.

— Je vais vous expliquer, dit-il.

L’aveugle, maintenant, avait acquis une merveilleuse souplesse, et une grande sûreté du sens tactile. Il se servait seul avec assez de facilité.

Il prit dans le casier un certain nombre de feuilles qu’il posa devant lui, sur la table. Mais il ne put pas voir qu’un numéro de L’Intransigeant, qui par hasard s’était trouvé renfermé dans le casier, était tombé à terre. Le général le vit, et machinalement se baissa pour le ramasser. Toute l’ingénieuse tactique d’Henriette, en un clin d’œil, fut vaincue. C’était un numéro de L’Intransigeant du 23 décembre, édition du soir. Le général qui avait mis son lorgnon pour mieux suivre la démonstration du peintre, fut attiré par les grosses