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LA NOUVELLE ÉQUIPE

ter l’inégalité volontairement mise entre eux et les travailleurs intellectuels. Qu’un même traitement de la justice militaire rétablisse aujourd’hui l’équilibre en affirmant, devant la loi morale, l’égalité de l’ouvrier cimentier et de l’élève de l’École Normale Supérieure.

Le soir de ce jour, Didier ramenait à Ville-d’Avray la mère douloureuse qui avait été autorisée à embrasser son fils après la prononciation du verdict.

— Chère amie, lui disait-il avec douceur, je ne vous dis pas d’avoir du courage, vous en avez. Vous avez été sublime en tout ceci. Si toutes les mères vous ressemblaient la guerre serait morte. Mais croyez-moi, une journée comme celle-ci lui porte un coup mortel.

— Cher Didier, je le sais. Je n’ai pas à vous dire que je souffre. Mais je suis forte. Mon Pierre a été si beau, n’est-ce pas ?

— Admirable ! Ah, quand je pense à ce qu’on appelle de l’héroïsme, dans les manuels scolaires…

Tous deux, un moment, gardèrent le silence, puis Jeanne dit tout à coup :

— Croiriez-vous, ami, qu’à la naissance de Pierre, mon père lui avait prédit une destinée héroïque.

— Hé, mais, il ne s’était pas trompé.

— Sans doute, mais ses prévisions n’étaient pas celles qui se réalisent aujourd’hui, vous le comprenez bien. L’enfant, selon lui, était né sous le double signe de Mars et du Lion, vous voyez l’image, Mars, c’est la guerre.

— Mais c’est toujours vrai. Le signe était de bon augure, seulement votre père s’est trompé dans la signification, au lieu d’être pour, Pierre s’est déclaré contre.

— Et puis, dit Jeanne, mon père prétendait encore que l’enfant avait le symbole du glaive au sommet de sa destinée.

— Il est donc astrologue, votre père ?

— Oui, autrefois, il se distrayait à cela.