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LA NOUVELLE ÉQUIPE

« Mon fils, j’ai toujours eu confiance dans les destinées de l’Humanité. J’ai confiance dans les possibilités que l’homme porte en lui. Depuis ses origines, venu de l’animalité, il monte vers une humanité supérieure. Le mythe qui fait de l’homme un ange déchu se trompe certainement. L’homme n’est pas un dieu tombé, c’est un dieu en puissance, car il porte en lui-même la lumière intérieure qui est sa divinité même. Mais, possédant cette lumière divine que nous appelons la sagesse, l’homme n’en reste pas moins pétri de cette animalité primitive, qui l’accable lorsqu’il ne parvient pas à la dominer. De là le conflit incessant entre l’homme matériel et l’homme spirituel ; de là le duel entre la sagesse et la violence.

« L’humanité connaîtra l’âge d’or de la sagesse, si elle parvient à vaincre la violence et à la réduire à l’impuissance. Elle disparaîtra si elle est incapable de réaliser cette conquête.

« Mon fils, l’ennemie par excellence de l’humanité, c’est la guerre, synthèse de toutes les violences. La guerre est un crime, voilà ce que j’ai le droit d’écrire après ces treize mois de souffrance morale. La guerre est le crime de l’homme contre l’humanité.

« Ce crime, tous les hommes de ma génération — y compris moi-même — l’ont commis. L’avenir nous jugera et nous condamnera sans doute. L’avenir se trompera. Nous sommes avant tout des victimes.

« Quand tu liras ces lignes, tu atteindras la fin de tes études. Tu sauras ce que fut l’histoire des hommes dans le passé et dans la succession des âges. Cela me permet de ne pas transformer cette lettre en un cours d’histoire.

« Je t’ai parlé tout à l’heure des luttes que j’ai soutenues entre mon devoir d’homme et mon devoir de citoyen. Finalement, c’est le citoyen qui a triomphé,