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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Pierre. Pour la première fois, ils s’étaient séparés. Ils en avaient eu comme un déchirement. Il avait fallu toute la tendresse d’Henriette pour panser cette blessure. Reprenant les arguments de Didier, elle lui avait fait sentir la parité de leurs attitudes, lui dans son refus de commandement, Pierre dans son refus de servir ; elle avait parlé de cette action d’ensemble faite de tous les actes qui concouraient au même but, et comment chacun, en se taillant la part qui convenait à sa propre nature, assurait le triomphe définitif de l’idéal commun.

Elle lui avait montré la tâche de ceux qui restaient.

— Jacques Salèze sera emprisonné ; mon frère le sera également. Leurs voix seront muettes, étouffées. Il faut donc que d’autres voix se fassent entendre.

— Je serai emprisonné au régiment, moi, avait fait observer Jean.

— Pas autant que Pierre, quand même. Vous pourrez aider Didier et l’Équipe.

Jean s’était rendu aux raisons si justes de la jeune fille. Il lui était doux aussi de se sentir si bien compris par elle. Il ne pouvait se souvenir sans une étrange émotion des paroles qu’elle avait dites le jour où leur mutuelle tendresse avait débordé leurs cœurs, était montée à leurs lèvres. Depuis cette heure, quelque chose s’était brisé en lui, cette enveloppe de rudesse dans laquelle il claustrait ses sentiments et qui parfois mettait une âpreté douloureuse dans sa voix. Cette carapace, dont il avait un jour parlé, et qui, sous l’influence de la dureté paternelle avait peu à peu muré sa sensibilité, cette carapace, dont la douceur de sa mère et de sa sœur n’avait pu le délivrer, c’était elle, Henriette, par le don de son amour, qui en avait eu raison. Il lui en gardait une reconnaissance attendrie.

Il avait hâte, à présent, de partir et de la retrouver.

Le samedi 12 octobre les deux amis débarquaient