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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Elle vint s’asseoir près de lui.

— Que voulez-vous dire, Jean ?

— Vous le savez bien ; mon départ pour le régiment ne sera-t-il pas un peu comme une trahison ?

Puis, comme elle se taisait :

— Oh, je le sais bien, je ne suis pas un héros !

Elle lui avait pris la main.

— Cher Jean, dit-elle, vous souffrez ?

— Moi ? je ne souffre jamais.

Elle rit.

— Eh bien, vrai, on ne le dirait pas en ce moment. Si vous pouviez voir votre tête…

Il se dérida un peu.

— Je la connais, ma tête. C’est une vieille caboche de paysan têtu.

— Mais oui, c’est un peu vrai, dit-elle. Mais je la connais assez, moi aussi, cette vieille caboche, pour savoir que je ne me trompe point.

Devenue grave, elle poursuivit :

— Cher Jean, je lis en vous. Vous croyez que je vous juge mal. Vous croyez que je vous estime moins parce que, devant l’appel de la conscription, vous n’avez pas pris l’attitude de Pierre.

— Henriette…

Elle mit sa main sur son épaule, le regarda droit dans les yeux.

— Est-ce vrai ?

Il répondit, vaincu :

— C’est vrai.

— Là, je suis contente. Au moins, à présent, nous pouvons causer.

— Jean, poursuivit-elle, croyez-vous à mon affection pour vous ?

Il fit signe que oui, de la tête, sans parler.

— Moi, dit-elle, je suis sûre de la vôtre. Pour fermé que vous êtes, j’ai su lire en vous. Jean, c’est à cause