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LA NOUVELLE ÉQUIPE

force à présent, c’est que nous savons qu’il ne peut plus nous écraser sans notre volonté.

— Vous avez raison, Monsieur Didier, dit Jeanne. Il y a quinze ans que j’ai compris que l’individu, seul, était le maître. Mais j’ai compris aussi, il y a quinze ans, que tous les hommes étaient dans la dépendance les uns des autres, et que pas un ne pouvait être sauvé si tous ne l’étaient pas.

— C’est juste, s’écria Jean Tissier, qui n’avait pas encore dit un mot. Moi aussi je l’ai compris, et c’est pourquoi j’ai donné ma préférence à l’action d’ensemble plutôt qu’aux actes individuels.

Il y avait, dans les paroles du jeune homme, un peu d’âpreté.

Alexandre Didier se tourna vers lui.

— Mais, mon cher Tissier, l’acte de Pierre ne se détache pas de l’action d’ensemble. Je te l’ai déjà dit, chacun prend la tâche qui convient à son caractère et à son tempérament. Dans l’effort commun, il y a l’effort de chacun. Si le geste que Pierre a décidé, était un geste isolé, incompris, il serait sans force. Mais nul aujourd’hui n’en peut ignorer la signification, parce que, ce geste, on le sent lié à l’immense assaut des consciences contre le militarisme.

— Notre ami Didier est, comme toujours, dans le vrai, dit Henriette. Mère l’a dit : les hommes sont dans la dépendance les uns des autres. C’était vrai dans la déroute de 1914. Et c’est vrai aujourd’hui encore. C’est tous ensemble que les hommes chanteront l’hymne de la délivrance.

Cependant Pierre, maintenant, avait attiré Hélène près de lui. Ils ne disaient rien, trop émus pour pouvoir parler.

Jeanne Bournef s’approcha.

— Vous restez ce soir, n’est-ce pas, Hélène ? Cette date, et les événements de la journée, ne permettent