Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.
325
LA NOUVELLE ÉQUIPE

ment et suis venu me fixer à Paris. J’ai à présent six mois de séjour, j’ai un emploi régulier dans un chantier, j’ai une chambre à moi. On ne peut pas dire que je sois un vagabond, un paresseux, un exalté. Ma vie est paisible et ordonnée. Je peux donc à présent affirmer ma liberté de conscience devant la loi. J’ai écrit, hier, au Président de la République. Je lui dénonce ma situation et lui donne mon adresse. J’attends à présent mon arrestation.

L’attention des assistants était si profonde que le silence ne fut pas troublé par le silence de Salèze, qui avait terminé sa déclaration.

— C’est admirable, dit enfin Alexandre Didier. Et qu’attendez-vous de nous ? Que nous prenions votre défense ?

— Pas ma défense, mais celle de l’idée qui m’a fait agir. On va m’arrêter. On va essayer de me discréditer, de salir ma pensée. Voilà ce que je ne veux pas. Je n’ai pas peur de la prison, ni même de la mort. Mais je veux savoir que l’idée qui m’anime ne sera pas traînée dans le mépris et dans la boue.

Didier était conquis par tant de noblesse d’âme.

— Nous vous comprenons, dit-il, soyez sans crainte. Nous sommes les dépositaires de votre testament moral. Comptez sur nous.

— Merci, c’est tout ce que je voulais vous demander. Si mon acte peut servir votre cause, utilisez-le. Mais ne faites de moi ni un héros, ni un saint, ni un martyr. Je suis seulement un homme libre affirmant sa liberté.

La soirée était avancée et les esprits n’étaient plus tournés vers les discussions habituelles ; Didier prit l’adresse de Salèze et on leva la séance.

Henri Renoir vint serrer la main de l’ouvrier du bâtiment.

— Vous m’avez dit que vous n’étiez pas chrétien, mais le Christ est sûrement avec vous.