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LA NOUVELLE ÉQUIPE

admettre que le général mourrait avec elles. Il avait été bon à sa manière, courageux à sa manière, juste à sa manière ; mais il avait compris tout cela comme on le comprenait un demi siècle plus tôt. La vérité morale avait marché ; lui était resté à son ancien poste de commandement, sans rien connaître d’autre que l’inflexible discipline qui avait formé ses jeunes années et qui était restée la règle de sa vie.

— Quand on veut être juste, il faut essayer de tout comprendre, avait-elle dit un jour à Jean Tissier, en lui parlant de son grand-père.

— Je suis tout à fait de votre avis, Henriette. C’est toujours ce que j’ai pensé au sujet de mon père. Si je n’avais pas compris les motifs de sa dureté, il y a longtemps que j’aurais fui sa présence.

Quand le général Delmas était à Saumur, il prétextait toujours la fatigue que lui causait Paris, pour n’y faire que de courts séjours. Mais il était heureux de posséder quelque temps sa petite-fille chez lui. Henriette lui refusait le moins possible cette douceur.

Lorsqu’il apprit l’acte de résistance de Roger, le général écrivit à sa fille une lettre alarmée et désapprobative. L’heure approchait où Pierre, lui aussi, serait appelé à l’armée. Quelles étaient ses intentions ? Il voulait espérer, disait-il, que son petit-fils se souviendrait du sang qui coulait en ses veines.

Jeanne crut bon de ne pas communiquer cette lettre à Pierre, mais la fit lire à Henriette. Ce fut la jeune fille qui répondit au général. Elle éluda la question, lui conta quelques petits faits amusants, et lui promit sa visite dès que le printemps l’aurait ramené à Saumur.

« Nous causerons alors de tout ce que tu voudras, cher grand-père, disait-elle ; mais surtout nous irons faire de belles promenades aux bords de la Loire. Vois-tu, c’est bien encore ce qu’il y a de meilleur… »

En cachetant sa lettre, elle dit à sa mère :