Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/320

Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
LA NOUVELLE ÉQUIPE

nef n’était point de son sang, mais il était le cousin germain de son petit-fils.

Depuis plusieurs années, le Général Delmas passait l’hiver dans le Midi, et l’été dans une petite propriété qu’il avait acquise aux environs de Saumur. Il ne venait presque jamais à Paris. La vue de Jeanne le troublait. Il lui semblait toujours lire un reproche dans ses yeux clairs où la tristesse à présent, mettait une ombre. Quand il était avec elle, il ne savait plus que dire. De plus en plus il s’était détaché de Pierre, dont la nature sensible et réfléchie, trop idéaliste pour un garçon, disait-il, lui avait toujours déplu, et dans lequel il avait senti, à mesure que l’adolescent se faisait homme, une pensée et une conscience tout à fait opposées à ce qu’il était lui-même. Seule, Henriette le retenait encore un peu par ses qualités de douceur, mais il sentait chez elle la fermeté qu’il avait jadis sentie chez sa mère lorsqu’elle lui avait déclaré sa volonté d’épouser Maurice Bournef. Il comprenait qu’en dépit de la tendresse qu’elle lui témoignait, des soins dont elle l’entourait, elle n’acceptait aucune de ses idées. Lorsqu’il voulait discuter encore, elle le faisait taire en l’embrassant et en lui racontant de petites histoires pleines d’enjouement.

— Tu me prends pour un enfant, lui disait-il quelquefois, mais je ne suis pas dupe.

— Je ne te prends pas pour un enfant, disait-elle, mais pour un bon petit grand-père. Et le rôle des grands-pères, c’est de rire avec leurs petits enfants.

Par l’intuition de sa nature compréhensive, Henriette sentait que son grand-père n’était pas heureux. Toujours juste et sincère, elle comprenait qu’on ne pouvait pas lui faire un reproche d’être ce qu’il était. Il était le représentant d’une époque. Les idées qu’il représentait faisaient comme lui, elles perdaient de la vie et de la force. Et c’était bien heureux, pensait-elle, pour le bonheur du monde. Mais il fallait