— Demain ?
— Elle l’est même peut-être déjà. Peut-être sera-t-elle annoncée demain.
— Maurice, ne devras-tu pas partir ?
— Oui, comme les autres.
— Bientôt ?
— Je ne sais pas.
— Comment tu ne sais pas ?
— Je ne sais pas ce que je ferai.
— Et Léon ?
— Il pense comme moi.
— Mais que pensez-vous ?
— Nous pensons que l’attitude du gouvernement est louche. Toute cette semaine on n’a rien pu savoir d’exact. Jusqu’à ce soir Jaurès a réclamé la lumière sur les événements diplomatiques ; il a exigé l’assurance que la France ferait l’impossible pour conjurer la guerre ; il a demandé qu’on attende encore pour décider la mobilisation. Il était beau de l’entendre, je te le jure. Et malgré tout, nous nous accrochions à lui comme à l’espoir suprême. Hélas ! sa grande voix est muette à présent…
— Le premier martyr de la guerre, peut-être.
— Oui, Jeanne ! à moins que…
— À moins ?
— À moins que sa mort ne réveille l’élan populaire.
— Y crois-tu ?
— Je ne sais pas. Les gens pleuraient, ce soir, sous les fenêtres de L’Humanité. Mais la foule est versatile. Que sera-t-elle demain ?
Maurice Bournef s’était approché du lit où reposait Henriette que la conversation n’avait pas réveillée.
— Comme elle dort bien, murmura-t-il.
— Maurice, dit enfin Jeanne, se ressaisissant, j’avais décidé de partir demain pour Ville-d’Avray