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LA NOUVELLE ÉQUIPE

nons-nous donc à dire ceci : tout le monde est obligé, par la loi, à payer ses impôts ; mais la loi ne peut obliger personne à être percepteur d’impôts, ni même à faire l’apprentissage du métier de percepteur. De même, la loi oblige tous les citoyens à être soldats, mais elle n’en peut forcer aucun à être chef, ni même à faire l’apprentissage du métier de chef.

— Très bien vu, avait précisé Jean.

— Voilà un terrain solide. Vous vous réclamez de la loi elle-même. C’est toujours une force. Et vous vous appuyez sur le principe de liberté d’abord en réclamant le droit de décider vous-mêmes si vous serez ou non officiers, sur le principe d’égalité ensuite, en réclamant, pour ceux qui ne veulent pas être chefs, le même traitement que les autres citoyens. Vous aurez pour vous tous les gens de bon sens.

— Ferons-nous intervenir le pacte Briand-Kellog ? avait demandé Pierre.

— À quoi bon. Les gens feront eux-mêmes le rapprochement, soyez sans crainte. Puisque la guerre est mise hors la loi, il appartient aux intellectuels d’être les premiers pionniers de l’idée ; et parmi les intellectuels, ce sont ceux qui seront appelés à être les éducateurs du peuple qui doivent faire le premier geste de libération. Refuser le commandement dans l’armée, c’est se refuser à dresser le peuple au crime de la guerre. Et c’est votre droit à vous, qui devrez faire l’éducation morale et civique des citoyens et qui aurez à leur enseigner que le meurtre, le vol, la rapine, les violences de toute espèce, sont contraires aux lois morales aussi bien qu’aux lois sociales et civiques. Il y aurait contradiction flagrante entre cet enseignement que vous êtes appelés à donner, et le fait de vous faire les initiateurs au meurtre et à la rapine, en acceptant d’être des chefs militaires.

Les trois jeunes gens qui entouraient Didier avaient