— Et puis, Jean, vois-tu, aujourd’hui il y a deux ans que je sais que toute tendresse est morte pour moi.
Une émotion dont il ne fut pas maître jeta Jean en avant, les mains tendues.
— Mon pauvre ami !
Et les deux hommes s’étreignirent…
Deux jours plus tard, après le travail, Pierre emmenait Jean à l’écart.
— Écoute, lui dit-il, j’ai à te soumettre des idées qui me sont venues depuis avant-hier.
— À propos de la signature du pacte, je gage ?
— Bien sûr.
— Je m’en doutais.
— Alors, je t’écoute.
— Vois-tu, cette reconnaissance officielle mettant la guerre au rang d’un crime, la bannissant à jamais de la vie politique et des relations internationales, apporte avec elle des conséquences multiples. Nous en avons, pour notre part, quelques-unes à retenir, dont celle-ci entre autres : si la guerre est un crime, j’ai le droit de lui refuser mon concours, comme j’aurais le droit de te le refuser, si tu me demandais de prêter la main à un assassinat.
— Absolument.
— Si la guerre est un crime, se préparer à la guerre, c’est commettre la même action que préméditer un assassinat.
— Évidemment, et tu veux en venir à ceci : le pacte de mise hors la loi de la guerre exige la suppression de l’armée.
— Dans l’ordre collectif, oui ; dans le domaine individuel, elle autorise l’objection de conscience.
— Je suis de ton avis. Le pacte Briand-Kellog nous donne le droit — je dirai même, nous fait un devoir —