lui faire une carapace. Et pour l’avoir ainsi murée, je lui ai certainement enlevé de sa puissance.
— N’exagère pas. Je te connais mieux. L’écorce est rude, mais le cœur est bon.
Jean Tissier ne répondit pas.
— À propos de ta sœur, poursuivit Alexandre, ne te semble-t-il pas qu’il y ait entre elle et Pierre, un sentiment très tendre ?
— Il ne me le semble pas, Didier, c’est pour moi une chose certaine. Et cela date presque des premiers mois où ils se sont connus.
— Heureuse jeunesse, soupira Alexandre. Eh bien, mais, mon cher ami, Pierre deviendra ton frère.
— Cela ne changera pas grand chose.
— Je le sais, votre amitié est un réconfort.
Quelque temps encore, ils se turent. Puis Didier posa la main sur l’épaule de Jean, et, avec une grande affection :
— Et toi, Tissier, tu aimes Henriette Bournef.
Le jeune homme tressaillit. Son masque se contracta, le pli de son front se durcit.
— Moi, dit-il.
— Ne te dérobe pas, Jean, tu l’aimes. Va, je sais lire au travers l’écorce. Tu peux me dire non ; mais je connais ton secret.
À nouveau, Jean Tissier ne répondit pas.
— D’ailleurs, elle t’aime aussi.
— Tu es fou, dit vivement Tissier.
— Non, elle t’aime.
— D’une bonne amitié, oui, j’en suis sûr. Mais pas autrement.
Le regard du jeune homme s’était assombri en disant ces derniers mots. Alexandre était fixé. Il avait deviné juste.
— Écoute-moi, Jean, vous vous aimez. Je m’y con-