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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Un précurseur et un martyr ! avaient dit Jeanne et Henriette. C’est la loi. La vie est si riche de sève qu’elle continue sa magnifique expansion, en dépit des souffrances dont la route des hommes est semée. Mais c’est le devoir de la conscience humaine d’effacer la nécessité du martyre, en élevant toujours plus haut le clair flambeau de la raison. Quand les hommes pourront mesurer, un jour, de quels crimes l’ignorance est coupable, ils ne voudront pas croire qu’une pareille somme de douleur ait été nécessaire pour arriver à la compréhension de l’amour.

Oui, les idées généreuses dont Pagnanon était animé avaient fait du chemin. Pas un verre d’eau n’aura été donné en vain, avait-il dit, en annonçant sa résolution à Henriette. Cette vérité éternelle, encore une fois, se réalisait.

L’idée du service civil enthousiasma toute l’Équipe. Roger Bournef, Michel Grandjean, Henri Renoir, Albert Lautier, décidèrent d’y donner une partie ou la totalité de leurs vacances. Jacques Bourdeau, aussi, décida de s’y rendre.

— On n’a pas de vacances dans ma corporation, déclara-t-il, mais pour une fois, j’en prendrai.

— Singulières vacances, fit remarquer Grandjean ; à votre âge cela sera fatigant.

— Et puis quoi, si ça me réconforte, moi ? Voyez-vous, ça me donnera l’absolution d’être allé faire l’imbécile, il y a quatorze ans, en répondant à la mobilisation.

— L’imbécile, dit plaisamment Didier, vous voulez dire le Jacques ?

— Ah bien, mon vieux Didier, vous ne me l’envoyez pas dire ; mais vous avez raison, et pour cette fois, le Jacques était bien un imbécile.