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LA NOUVELLE ÉQUIPE

mulaient pas leur inquiétude, confiants cependant dans la possibilité de maintenir la Paix Européenne. Mais, l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie les avait fortement émus, et sa coïncidence avec le brusque rappel de tous les soldats permissionnaires avait confirmé en eux le danger d’une guerre dans les Balkans, foyer toujours allumé de discorde et de menace. En cette dernière semaine, n’y tenant plus, ils avaient laissé à Triel leurs femmes et leurs enfants pour se rendre à Paris et suivre de plus près l’attitude du gouvernement. Une lettre de leur beau-frère, Julien Lenormand, avait aussi contribué à leur faire prendre cette décision. Le peintre les prévenait que, devant la tournure des événements, il renonçait à venir à Triel, ainsi qu’il avait été convenu entre eux tous au printemps.

Ils étaient partis depuis cinq jours, et ce soir du 31 juillet ils n’étaient pas rentrés encore, n’avaient pas écrit.

Les deux femmes ne savaient plus que penser. La lecture quotidienne des journaux n’était pas rassurante, et Lucien Bournef, qui s’entretenait assez souvent avec le secrétaire de la mairie, avait appris quelques nouvelles suspectes.

— Pourvu que les gouvernements soient sages, avait-il dit ce matin là. Voilà maintenant la Serbie et l’Autriche en guerre. Sera-t-il possible de circonscrire le mal ? Que va faire la Russie ?

— Croyez-vous vraiment que la France fasse la folie de se jeter dans une guerre, interrogea Jeanne.

— Hélas ! ma fille, nous avons au pouvoir des hommes peu sûrs. Et puis, avec la diplomatie secrète, on ne sait jamais exactement à quoi les nations sont engagées. Si nous sommes liés à la Russie, il est possible que nous soyons dans l’obligation de lui prêter main forte.

— Mais je ne vois pas en quoi notre intervention dans les Balkans serait utile ?