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LA NOUVELLE ÉQUIPE

et de s’y intéresser, a fait d’eux également des intellectuels. Eh bien, je déclare que si la guerre de 1914 a pu être déclanchée, c’est parce que les intellectuels ont failli à leur tâche.

— Les travailleurs aussi, cria Jacques Bourdeau.

— Les travailleurs aussi, je vous l’accorde. Mais il y a des degrés dans les responsabilités. Ceux que des connaissances plus étendues, l’habitude de penser et de raisonner, l’habitude aussi d’étudier dans toute leur ampleur les problèmes de la politique et de l’économie, ont en quelque sorte constitués les chefs moraux de la Société, ceux-là sont plus responsables que les autres. Si des hommes comme Poincaré, Millerand, Delcassé, sont parmi nos hommes politiques ceux qui assument les plus lourdes responsabilités dans le déclanchement de la guerre, je dis que les maîtres de l’Université, les écrivains qui constituaient l’avant-garde intellectuelle du pays, aussi bien que les chefs socialistes et les chefs syndicalistes sont responsables de n’avoir pas su empêcher ce déclanchement.

On applaudit. Jacques Bourdeau se leva :

— Et moi, cria-t-il, je dis que les mécaniciens du chemin de fer sont responsables d’avoir fait partir les trains de soldats.

On cria : Bravo ! Didier reprit :

— Mais oui, Bourdeau, vous avez raison. Tout le monde a été responsable, à commencer par moi-même qui me suis stupidement engagé le 4 août en apprenant l’attaque allemande. Pourquoi l’ai-je fait ? Parce que j’avais le crâne bourré de tous les sophismes nationaux. Mais qui était responsable de cette intoxication, sinon ces grands maîtres de l’Université que je dénonce ici ? Oui, tous ont été responsables, c’est entendu. Mais je vous en prie, pas au même titre. Le journalier des campagnes qui ne lit jamais le journal, l’ouvrier des villes qui sait des problèmes sociaux ce que son