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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Les rires s’étaient effacés. Dans la bonhomie du travailleur, on avait senti passer la révolte.

— Continuons notre travail, dit Camille Drevet.

Mais les esprits n’y étaient plus. L’heure était fort avancée. On convint de remettre la suite à huitaine. Puis on consacra la constitution du Comité par la distribution des rôles : deux secrétaires, un trésorier et l’on se sépara.

À la sortie, Louise Bournef alla serrer la main de Noélie Drous.

— Merci, lui dit-elle. Vous avez sauvé la dignité morale des femmes.

— Qui êtes-vous, madame ? demanda la jeune femme brune. Je ne crois pas vous connaître.

— Je suis la veuve de Léon Bournef. Je ne milite pas. Mon tempérament ne m’y porte pas. Mais la guerre n’a pas d’ennemie plus acharnée que moi. Et je crois que nous sommes beaucoup dans mon cas. Il ne faut pas s’illusionner parce que quelques-unes, comme celles-là, font beaucoup de bruit et attirent l’attention. Les femmes que la guerre a meurtries souffrent comme moi, silencieusement, et les autres sont dans l’angoisse lorsqu’elles pensent que cela pourrait recommencer. Seulement, les femmes ont pris l’habitude de ne pas se faire entendre.

— Je suis de votre avis. C’est pourquoi, ce soir, j’ai parlé comme je l’ai fait. J’ai la conviction d’avoir exprimé la pensée de la grande majorité des femmes.

Dehors, les deux familles Bournef se séparèrent, ne se dirigeant pas du même côté. Alexandre Didier et les Tissier, qui prenaient la même direction que Jeanne et ses enfants partirent avec eux.

— Jamais on ne s’entendra, dit tout à coup Didier, il y a trop de divergences entre nous.

— C’est aussi ce que j’ai pensé, confirma Tissier.