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LA NOUVELLE ÉQUIPE

poète avaient associé leur amour des hommes. Mais elles chantaient en allemand, et le bénéfice des paroles était perdu pour les prisonniers. La fille aînée de Martha Steinitz, Frida Gurtner, le comprit. Quand le chant fut terminé, elle se leva.

— Je vais, dit-elle, vous donner la traduction française du poème de Schiller.

Et elle commença : « Joie, divine étincelle…

Elle disait bien le français, prononçait lentement pour être comprise.

« Millions d’êtres soyez tous embrassés d’une commune étreinte…

« Que tout ce qui habite le grand cercle terrestre rende hommage à la sympathie…

Tous étaient émus, et Didier plus que les autres.

« Tous les êtres boivent la Joie aux mamelles de la nature. Tous les bons, tous les méchants, suivent sa trace semée de roses…

« La Joie, c’est le nom du puissant ressort de la nature éternelle…

— Hélas ! songeait Didier, pourquoi les hommes ne connaissent-ils que la douleur ?

« Détruisons notre livre de dettes. Que le monde entier soit quitte envers nous ! Frères, au-dessus de la tente étoilée, comme nous aurons jugé, Dieu jugera…

Quelques-uns des prisonniers, plus émus, laissaient librement couler leurs larmes.

« Frères dût-il en coûter les biens et la vie, au mérite ses couronnes, et ruine à la couvée du mensonge !… »

Elle avait fini. Alexandre Didier, alors, quitta son siège, et, le bras tendu vers ses compatriotes :

— Mes camarades, dit-il, vous avez entendu : « Ruine à la couvée du mensonge ! » Nous nous retrouverons en France, et ce sera notre tâche à nous : ruiner le mensonge ; c’est le mensonge qui permet la guerre.