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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Chargé de transmettre le message, il le fit en des termes qui touchèrent les cœurs. Pour la plupart, d’ailleurs, les prisonniers en étaient arrivés, par des chemins différents, et avec moins d’élévation de pensée, aux mêmes conclusions que lui. Elles se résumaient en cette simple phrase :

— Ce sont des gens comme nous !

Vérité si évidente et si simple. Pourquoi avait-il fallu tant de massacres et de souffrances pour qu’elle fût démontrée.

— La douleur sera-t-elle donc toujours le chemin par où les hommes s’en iront vers la vérité, pensait Alexandre songeur.

Le frugal banquet de Martha Steinitz réunit autour d’une table commune les seize prisonniers, dont douze devaient partir le lendemain, les deux jeunes fils de la maison, âgés de neuf et douze ans, deux jeunes filles de quinze et dix-huit ans, et la fille aînée, mariée à un professeur de Stuttgart, et qui était revenue près de sa mère après le départ de son mari pour l’armée. Par une attention délicate de la maîtresse de maison, le pasteur d’un village voisin, qu’on savait pacifiste et ami de la France, avait été prié de présider le repas d’adieu.

Avant le service, il se leva, prononça, en français, la prière habituelle de bénédiction. Puis, tourné vers les prisonniers, il dit :

— Au nom de notre Frère et Modèle, le Christ, mes frères français et belges, je vous bénis. Ici vous n’êtes pas des prisonniers, mais des hôtes. Notre Frère et Modèle, le Christ, a reconnu pour siens tous les hommes de la terre, lorsqu’il a dit « Vous êtes tous frères, et vous n’avez qu’un seul père, le Père qui est dans les cieux » ; lorsqu’il nous a commandé d’aimer « notre prochain comme nous-mêmes », en nous expliquant, dans sa belle parabole du Samaritain, que le