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LA NOUVELLE ÉQUIPE

sein, j’ai le pressentiment que cet enfant sera plus tard un sujet de querelles entre papa et nous.

— Ne t’en tourmente pas à l’avance, ma fille. Nul ne peut dire ce que sera demain.

— Tu sais bien, mère, que ce n’est ni l’idéal de Maurice, ni le mien, de voir notre fils prendre la carrière des armes.

— Et tu sais bien, toi aussi, que je vous comprends et vous approuve.

— Mais tu comprends bien que papa ne nous laissera pas tranquilles sur ce sujet. Lorsqu’Henriette est née, il y a deux ans, il exprimait la crainte que je ne sois pas plus que toi favorisée d’un fils ; et nous avions alors bien compris ce que cachait cette crainte. Lorsqu’il a été question de Pierre nous en avons causé. Nous désirions un fils, ayant déjà une fille ; et nous pensions que papa en serait aussi heureux que nous. Mais nous savions pourquoi. Seulement, nous nous sommes bien promis d’être intransigeants là-dessus. Tu connais les idées de Maurice. Je les partage. Notre fils ne recevra certainement pas une éducation militaire.

Les petites lèvres s’étaient détachées du sein maternel, et la fragile tête était retombée sur le bras de la mère.

— Mon fils ! murmura-t-elle.

Puis, avec une soudaine passion :

— Un fils ! j’ai un fils, à présent. Ce sera un homme utile et bon comme son père.

— Oui. Oui. C’est entendu, dit Mme Delmas en souriant. Mais ne t’agites pas de la sorte, tu vas prendre de la fièvre.

— Allons, monsieur bébé, ajouta-t-elle, on va vous remettre dans votre nid, vous fatiguez votre maman.

— Au revoir, mon Pierre, dit doucement Jeanne, et ne crains rien, mon petit, tu ne seras pas Saint-Cyrien…