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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Parce que vous êtes une femme, donc.

Henriette sourit :

— C’est-à-dire une incapable, n’est-ce pas ?

— Je ne dis pas cela. Mais c’est nous qui sommes taillés pour la lutte.

Il était évident que ce grand garçon robuste, aux épaules solides, semblait bâti pour combattre et pour vaincre.

— Croyez-vous donc qu’une femme n’ait jamais à lutter ?

— Je ne dis pas cela. Mais il y a lutte et lutte. Vos luttes à vous sont plutôt du domaine moral. Vous luttez pour ou contre le sentiment. Vous luttez pour des œuvres de bonté, d’apaisement. Mais quand il s’agit d’affronter les institutions sociales, c’est différent. Il faut se heurter aux hommes. Ce n’est pas votre rôle.

— Vous croyez ?

— Non, votre rôle à vous, c’est la douceur. Si vous la perdiez, que deviendrait le monde ?

Jeanne accompagna le jeune homme jusqu’à la grille du jardin.

— Je vais écrire à Converset tout de suite, dit-elle, et je vous tiendrai au courant. S’il y a lieu, je réclamerai vos services.

Ce ne fut pas le colonel qui répondit, mais sa femme. Sa lettre était désespérée. Son mari, qui avait traîné un peu de bronchite tout l’hiver, faisait en ce moment de la pneumonie, et le docteur qui le soignait venait de constater de la tuberculose. Il déclarait son malade perdu.

— Mon Dieu, dit Jeanne, quelle épreuve encore, et comment annoncer cela à Maurice ?

— J’irai prendre des nouvelles, répondit Henriette, et je dirai à papa que notre ami est souffrant, sans l’alarmer.

— Mais s’il est vrai qu’il soit perdu ?