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LA NOUVELLE ÉQUIPE

que le rideau devait se baisser sur des flots de sang. Jeanne eut un cri :

— On exécute des criminels bien moins coupables que ces bandits-là.

À son tour, l’aveugle reprit la parole :

— La voilà donc, la défense nationale ? En vérité je ne croyais pas si bien dire. Mais si l’armée n’existait pas, ces tragédies-là ne seraient pas possibles. Quand les diplomates posent les enjeux, ils savent trop bien qu’il y a derrière eux des canons et des mitrailleuses pour marquer les points.

Le général ne releva pas l’attaque. Il se sentait trop seul.

— Je vais partir, dit-il, brusquement.

— Moi aussi, déclara Converset. Voulez-vous, mon cher ami, que je vous laisse mon manuscrit pour deux ou trois jours ? Vous l’examinerez à votre aise.

— Non, répondit Maurice. J’en sais assez par ce que vous m’avez dit. Je ne veux pas retarder d’un seul jour l’impression de ce livre utile et nécessaire. Quand pensez-vous qu’il paraîtra ?

— En avril certainement.

— Cher ami, je saluerai son avènement, soyez-en sûr, avec joie. Vous avez eu là une heureuse inspiration.

Déjà le Colonel serrait les mains tendues.

— À propos, demanda-t-il, avez-vous toujours de bonnes nouvelles de votre jeune missionnaire ?

Jeanne, du regard, chercha son père. Il causait au fond de la pièce, avec Henriette. Rassurée, elle répondit :

— Ses lettres commencent à devenir plus rares. Bien qu’il dise conserver sa foi, on y sent percer, malgré lui, du découragement et de la fatigue. Il n’est pas compris. On refuse ses services, on le repousse. On l’a même menacé. Il ne l’avoue pas ; mais c’est un échec.

— Il fallait le prévoir. L’idée était généreuse, le