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LA NOUVELLE ÉQUIPE

l’irruption de l’armée allemande à travers la Belgique, irruption à laquelle s’attend l’état-major français.

« M. Poincaré m’a instamment prié de garder le secret le plus absolu de cette information et de ne point donner lieu aux Anglais eux-mêmes de supposer qu’elle nous avait été communiquée. »

Le Colonel se tut. Maurice l’avait écouté avidement, les yeux brillants.

— Ainsi, dit-il, cette agression était prévue deux ans avant son accomplissement. Quand je songe que c’est cette agression qui a chassé les derniers doutes des consciences.

Le général Delmas s’était levé de son siège, et nerveusement marchait dans la pièce.

— Et qu’importe qu’elle eût été prévue. L’Allemagne a donné raison aux prévisions en attaquant. Cela ne la disculpe pas. Elle ignorait les conventions de la France et de l’Angleterre.

— Tout prouve qu’elle ne les ignorait pas, au contraire. Nous avons eu la preuve que l’Allemagne a toujours su exactement ce qui se passait en Russie. Il aurait donc fallu se taire, mais il fallait bien encourager l’impérialisme russe, en disant que l’Angleterre marcherait avec nous.

Maurice reprit :

— Et cette intervention de l’Angleterre, qu’on croyait spontanée, quelle comédie que tout cela. Mais on comprend bien, à présent, pourquoi l’attaque allemande était si fiévreusement attendue à Paris le 2 août 1914. Et c’est pour servir de pareilles combinaisons que nous avons trahi notre foi internationaliste.

— Mon pauvre ami, dit Jeanne, quelle terrible leçon.

— Terrible, oui ; mais n’importe, il faut qu’elle porte ses fruits. Il faut qu’on sache… il faut qu’on sache…