Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
LA NOUVELLE ÉQUIPE


VII


Cependant, le colonel Converset, poursuivant l’œuvre de documentation dont il avait entretenu son ami, Maurice Bournef, avait préparé ce livre de vulgarisation destiné à faire connaître les pièces essentielles de cette diplomatie franco-russe qui avait contribué à nous mener à la guerre.

Un dimanche de la fin de février, il se présentait à Ville-d’Avray, désireux de soumettre à Maurice le manuscrit de son livre. Le général Delmas était précisément venu, ce même dimanche, passer la journée avec ses enfants.

Depuis la fin de la guerre, le général venait beaucoup moins souvent qu’autrefois chez sa fille. Il ne s’y sentait plus à l’aise. L’état de Maurice, qu’on savait condamné, la douleur muette de Jeanne, la présence de l’aveugle et d’Éliane, tous ces témoignages éloquents de l’horreur de la guerre le gênaient. Lui n’avait pas changé. Assurément, il était affecté de la cruelle épreuve qui atteignait sa fille. Il avait déploré la mutilation de l’artiste, comme il avait sincèrement regretté la mort de Léon Bournef. Mais tout cela n’atteignait pas ses convictions. La guerre ne se fait pas sans victimes, et lui, patriote, occupant dans l’armée un poste d’honneur, se devait de s’élever au-dessus de ces dures nécessités. Que la guerre eût frappé les siens, sa famille, ses amis, lui semblait être, au contraire, une raison de rehausser son patriotisme. Son amour pour son pays n’était-il pas agrandi de tous ces sacrifices exigés par l’honneur et la grandeur de la Nation ? Au-dessus des deuils il fallait élever la victoire, les provinces reconquises, la vieille injure de 1870 effacée. La France était redevenue la nation glorieuse d’autrefois, et ceux qui