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LA NOUVELLE ÉQUIPE

de travail en velours. Le peu qui me restera suffira à parer au voyage et aux premières nécessités.

— Mais de quoi vivrez-vous ?

— Je trouverai bien la nourriture et l’abri en échange des services que je rendrai.

— Votre foi est admirable, mais si pourtant vous étiez mal accueilli.

— Mademoiselle Henriette, je ne me pose pas cette question. Ceux qui s’embarrassent des détails n’entreprendront jamais rien. Allez dans le monde, a dit le Christ aux apôtres, et portez-y ma parole. Il ne s’est pas inquiété des moyens dont ils pourraient disposer, ni de savoir s’ils seraient toujours bien accueillis. Il savait bien que ceux qui ont la foi trouvent toujours, à l’heure voulue, le pain quotidien.

— Vous croyez au miracle ?

— Je crois à la bonté.

— Pourtant vous venez de dire, il y a un instant, que le monde sombrait sous la montée de la violence.

— Je l’ai dit, et c’est la douloureuse vérité. Mais la bonté n’est pas morte. Elle est toujours au cœur des hommes. Seulement elle est endormie. Il faut la réveiller, lui rendre la lumière. Que voulez-vous, on l’a ensevelie sous tant de mauvais égoïsme ; l’amour du gain, des honneurs, du pouvoir, a pris une telle force qu’il a envahi l’esprit humain comme la mauvaise graine prend possession d’un champ. Mais coupez l’ivraie et grattez le sol, vous retrouverez la bonne semence.

— Je vous admire, dit encore Henriette.

— Ne m’admirez pas, je suis seulement un homme. Je sais bien qu’on dira de moi que je suis fou. Mais y aurait-il quelque mérite à l’effort, si l’on était sûr, d’avance, qu’il sera couronné de succès. Et puis, rien n’est jamais complètement perdu. Tout porte fruit, et pas un verre d’eau n’aura été donné en vain…

Le surlendemain, comme il l’avait annoncé, Émile