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LA NOUVELLE ÉQUIPE

d’en donner, et il nous conseilla d’encourager nos élèves à jouer à la petite guerre.

« Je vous avoue que j’avais de la peine à me croire éveillé. Je m’imaginais faire un rêve. Mais il me fallait bien me convaincre que c’était pure réalité. Parfois, la révolte faisait bondir ma poitrine, et mes tempes étaient en feu. Pourtant je n’osais rien dire.

« Cette séance s’étant prolongée plus que de coutume, je partis de Grenoble trop tard pour avoir ma correspondance et je dus faire une douzaine de kilomètres à pied pour rentrer chez moi. La marche me fit du bien. Je me calmai, raisonnai, méditai. Mais à mesure que je redevenais moi-même, je sentais que je ne pouvais pas donner mon consentement aux paroles entendues ni souscrire aux desiderata de notre inspecteur.

« Le lendemain je fis ma classe comme de coutume. Pendant les récréations, je regardais mes petits s’amuser innocemment, et une question se posait sans cesse à ma conscience : « Pourrais-tu leur conseiller des jeux qui les conduiraient à la violence et à la haine ? » Je sentais que ce n’était pas possible, que jamais, jamais, je ne pourrais être cet initiateur à la guerre dont la veille on nous avait tracé les devoirs.

« Alors, le soir, quand je fus seul dans ma chambre, j’écrivis à mon inspecteur. Ce fut une très longue lettre. Je lui disais que je n’avais pas pu lui répondre la veille, tant j’avais été surpris, bouleversé même, par sa conférence. Mais que depuis, j’avais réfléchi, et que je venais lui dire, loyalement, ce que je pensais.

« Je ne vous retrace pas ma lettre. Mais vous la devinez. Le résultat fut que je fus convoqué à l’inspection il y a quinze jours. Je m’y rendis. Cette fois j’osai parler. Je fus même très éloquent. Je déclarai qu’il était odieux d’orienter vers la haine les consciences enfantines. Entraîné par mon ardeur, je découvris toutes mes convictions, et je prévins mon inspecteur