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LA NOUVELLE ÉQUIPE

pas moi qui suis fou et si ce ne sont pas mes contradicteurs qui ont raison.

Henriette prit dans la sienne la main de l’instituteur, la garda.

— Non, Monsieur Émile, c’est vous qui êtes dans la vérité.

Une joie passionnée éclaira les yeux limpides du jeune homme. Il porta à ses lèvres la main de la jeune fille.

— Merci, dit-il enfin, Mademoiselle Henriette, vous avez prononcé les mots dont j’avais besoin. Désormais, entre mes contradicteurs et moi, il y aura toujours votre image et ces mots que vous venez de dire.

Ils s’étaient levés. Avant de s’engager dans la descente, elle demanda :

— C’est en octobre prochain que vous serez appelé par la Conscription ?

— Non. J’ai droit à une année de sursis, je l’ai demandée.

Elle le regarda, surprise. Il n’attendit pas la question pour répondre.

— Voyez-vous, je n’aurai vingt-et-un ans qu’au mois de décembre. Je veux être majeur devant la loi pour accomplir ce geste. D’abord, ma mère sera moralement dégagée de toute responsabilité, et on devra la laisser en dehors des poursuites dont je serai l’objet.

— Je comprends, dit-elle.

Tous les deux, à présent, redescendaient la pente aride du sommet, opération difficile et plus périlleuse que la montée. Ils ne dirent plus rien. Ils sentaient d’ailleurs qu’ils n’avaient plus rien à dire, et qu’une conversation banale ne se pouvait plus après l’échange qu’ils venaient de faire de leurs pensées les plus intimes.

Le séjour d’Émile Pagnanon se prolongea encore quelques jours. Il se décida pourtant à partir, remerciant