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LA NOUVELLE ÉQUIPE

stupide et de la plus cruelle des erreurs, je peux bien accepter que la vôtre le soit pour servir la vérité.

— Ce qui seul serait juste, dit pensivement Jeanne, ce serait que la vie ne soit jamais mutilée.

Pierre se tourna vers sa mère, comprenant la secrète angoisse de son âme.

— Ma pauvre maman, dit-il, un temps viendra sans doute où les hommes comprendront la simple grandeur de la vie. Il faut que la vieille loi d’airain disparaisse. Il faut que l’humanité naisse à de nouvelles conceptions morales, mais tu sais bien que toute naissance coûte de la douleur et des larmes.

Hélas, elle savait bien, elle, la mère, que son enfant disait vrai. Mais elle n’acceptait pas plus l’immolation consentie que le sacrifice imposé. Il était dans sa nature même de vouloir la vie magnifiée et rayonnante.

Le lendemain de ce jour les jeunes gens étaient partis, dès le matin, pour entreprendre l’ascension d’un pic assez élevé du voisinage, ascension projetée depuis l’avant-veille.

Hélène Tissier, qui séjournait en montagne cette année là pour la première fois, n’était pas encore rompue à la fatigue de ces excursions. On n’avait guère fait que la moitié de la montée, qu’elle déclara ne plus pouvoir continuer.

— Allez sans moi, dit-elle. Je vous attendrai sagement, et vous me prendrez au retour.

Pierre, cependant, ne voulut pas accepter.

— Je vais vous tenir compagnie, dit-il ; et quand vous serez assez reposée, nous marcherons un peu. Puis, s’adressant à sa sœur.

— Mais que cela ne t’empêche pas de monter, toi, puisque tu te sens de taille à finir l’ascension.

— J’avoue déclara Henriette, que je serais ennuyée d’y renoncer.

— N’y renoncez donc pas, chère Henriette, dit