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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Eh bien, nous écoutons aussi, répondit le jeune homme. Cela nous intéresse autant que vous.

— Plus que nous encore, mon cher enfant, car vous êtes ceux qui, demain, tiendront dans leurs mains les destinées politiques et sociales de notre pays. Si nous découvrons trop tard comment on nous trompa, comment on nous emmena dans une prétendue guerre du droit et de l’honneur, qu’au moins le fruit de nos découvertes vous permette de sauver l’avenir et d’éviter les années d’horreur que nous avons vécues.

Le colonel pacifiste se tut un moment, le front assombri par cette évocation qu’il venait de faire. Puis, ramené à la réalité par l’attitude interrogative de ses compagnons, il reprit sa conversation précédente au point où il l’avait laissée.

— Cette correspondance diplomatique d’Iswolsky et de Sazonof n’a pas été sérieusement contestée. Elle ne saurait l’être, l’authenticité en est certaine. Il va de soi qu’on peut prétendre qu’Iswolsky ait menti dans telle ou telle lettre, mais ce qu’on ne peut pas dire, c’est qu’il ne l’ait pas écrite dans une fin diplomatique donnée.

— Et de cette correspondance, dites-vous, cher ami, il apparaît que Poincaré a de lourdes responsabilités dans le dénouement de 1914.

— Des responsabilités accablantes.

— Nous ne nous trompions donc pas, Léon et moi, quand nous soupçonnions son voyage en Russie, en juillet 14, d’être intéressé à des fins bellicistes.

— Hélas ! Personne ne savait en France, comme le savait Poincaré, à quel degré notre pays était engagé dans le conflit Austro-Serbe. Personne ne savait comme lui à quelle aventure sanglante nous courions.

— Quand on pense, interrompit Jacques Bourdeau, que des criminels comme cet homme-là, et tous ses complices, sont encore les maîtres du gouvernement.