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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Par l’adresse et l’ingéniosité maternelles, la chambre de Jean était transformée, chaque jour, en cabinet de travail. À l’exception de la bibliothèque, le mobilier en était pauvre et ancien, mais les meubles étaient bien entretenus, le parquet était ciré, les murs décorés de quelques bonnes gravures et estampes. Des fleurs printanières égayaient la cheminée et la table de travail.

— Mais c’est charmant, chez toi, déclara Pierre.

— Oh ! mon cher, c’est simple. Cette vieille bibliothèque de chêne massif date de mon grand-père. C’est une relique de famille.

— Cela ne l’empêche pas d’être fort belle, dit Pierre en s’approchant du meuble.

— C’est d’ailleurs tout ce qu’il y a de bien ici. Si l’ensemble te paraît agréable, tout le mérite en revient à ma mère.

— Elle est sympathique, ta mère, Jean.

— Elle est notre providence. Si elle n’était au milieu de nous, la vie avec mon père serait impossible. Tu viens de le voir, lui ; que penses-tu de lui ?

— Rien encore, dit Pierre, gêné. Je l’ai trop peu vu.

— Je ne souhaite pas, d’ailleurs, que tu le connaisses beaucoup. Il est rude et dur. Je sais bien qu’il a ses raisons pour être aigri ; mais sa dureté a mis entre lui et moi une distance de pensée et de sentiment qui, à certaines heures, nous rend presque étrangers l’un à l’autre.

— C’est dommage, fit Pierre, songeant aux liens visibles de tendresse qui unissaient les siens.

Charles Tissier, le père de Jean, avait été, dans sa jeunesse, monteur électricien. De famille ouvrière, il s’était à peu près fait tout seul, comme notre vieille connaissance, Jacques Bourdeau. Il avait un frère, son aîné de deux ans, ajusteur-mécanicien, comme lui adroit et intelligent. Tous deux, d’esprit indépendant,