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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

Il y avait à deux cents pas du navire un trou de phoques, sorte de crevasse circulaire faite avec les dents de cet amphibie, et toujours creusée de l’intérieur à l’extérieur ; c’est par là que le phoque vient respirer à la surface de la glace ; mais il doit prendre soin d’empêcher celle-ci de se refermer à l’orifice, car la disposition de sa mâchoire ne lui permet pas de refaire ce trou de l’extérieur à l’intérieur, et, au moment du danger, il ne pourrait échapper à ses ennemis.

Pen et Waren se dirigèrent vers cette crevasse, et là, malgré ses efforts énergiques, le chien fut impitoyablement précipité dans la mer ; un énorme glaçon repoussé ensuite sur cette ouverture ferma toute issue à l’animal, ainsi muré dans sa prison liquide.

« Bon voyage, capitaine ! » s’écria le brutal matelot.

Peu d’instants après, Pen et Waren rentraient à bord. Johnson n’avait rien vu de cette exécution ; le brouillard s’épaississait autour du navire, et la neige commençait à tomber avec violence.

Une heure après, Richard Shandon, le docteur et Garry regagnaient le Forward.

Shandon avait remarqué dans la direction du nord-est une passe dont il résolut de profiter. Il donna ses ordres en conséquence ; l’équipage obéit avec une certaine activité ; il voulait faire comprendre à Shandon l’impossibilité d’aller plus avant, et d’ailleurs il lui restait encore trois jours d’obéissance.

Pendant une partie de la nuit et du jour suivant, les manœuvres des scies et de halage furent menées avec ardeur ; le Forward gagna près de deux milles dans le nord. Le 18, il se trouvait en vue de terre, à cinq ou six encâblures d’un pic singulier, auquel sa forme étrange a fait donner le nom de Pouce-du-Diable.