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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

— Mais c’est le sommet de ce volcan ! dit le docteur.

— J’irai.

— C’est un cône inaccessible !

— J’irai.

— C’est un cratère béant, enflammé !

— J’irai. »

L’énergique conviction avec laquelle Hatteras prononça ces derniers mots ne peut se rendre. Ses amis étaient stupéfaits ; ils regardaient avec terreur la montagne qui balançait dans l’air son panache de flammes.

Le docteur reprit alors la parole ; il insista ; il pressa Hatteras de renoncer à son projet ; il dit tout ce que son cœur put imaginer, depuis l’humble prière jusqu’aux menaces amicales ; mais il n’obtint rien sur l’âme nerveuse du capitaine, pris d’une sorte de folie qu’on pourrait nommer « la folie polaire ».

Il n’y avait plus que les moyens violents pour arrêter cet insensé, qui courait à sa perte. Mais, prévoyant qu’ils amèneraient des désordres graves, le docteur ne voulut les employer qu’à la dernière extrémité.

Il espérait d’ailleurs que des impossibilités physiques, des obstacles infranchissables, arrêteraient Hatteras dans l’exécution de son projet.

« Puisqu’il en est ainsi, dit-il, nous vous suivrons.

— Oui, répondit le capitaine, jusqu’à mi-côte de la montagne ! Pas plus loin ! Ne faut-il pas que vous rapportiez en Angleterre le double du procès-verbal qui atteste notre découverte, si… ?

— Pourtant !…

— C’est décidé, répondit Hatteras d’un ton inébranlable, et, puisque les prières de l’ami ne suffisent pas, le capitaine commande. »

Le docteur ne voulut pas insister plus longtemps, et quelques instants après, la petite troupe, équipée pour une ascension difficile, et précédée de Duk, se mit en marche.

Le ciel resplendissait. Le thermomètre marquait cinquante-deux degrés (+11° centig.). L’atmosphère s’imprégnait largement de la clarté particulière à ce haut degré de latitude. Il était huit heures du matin.

Hatteras prit les devants avec son brave chien ; Bell et Altamont, le docteur et Johnson le suivirent de près.

« J’ai peur, dit Johnson.

— Non, non, il n’y a rien à craindre, répondit le docteur, nous sommes là. »

Quel singulier îlot, et comment rendre sa physionomie particulière, qui était