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LE DÉSERT DE GLACE

En une seule nuit, et par une violente brise du nord, le thermomètre reperdit près de quarante degrés ; il retomba à huit degrés au-dessous de zéro (−22° centig.). Tout fut gelé : oiseaux, quadrupèdes, amphibies, disparurent comme par enchantement ; les trous à phoques se refermèrent, les crevasses disparurent, la glace reprit sa dureté de granit, et les cascades, saisies dans leur chute, se figèrent en longs pendicules de cristal.

Ce fut un véritable changement à vue ; il se produisit dans la nuit du 11 au 12 mai. Et quand Bell, le matin, mit le nez au-dehors par cette gelée foudroyante, il faillit l’y laisser.

« Oh ! nature boréale, s’écria le docteur un peu désappointé, voilà bien de tes coups ! Allons ! j’en serai quitte pour recommencer mes semis. »

Hatteras prenait la chose moins philosophiquement, tant il avait hâte de reprendre ses recherches. Mais il fallait se résigner.

« En avons-nous pour longtemps de cette température ? demanda Johnson.

— Non, mon ami, non, répondit Clawbonny ; c’est le dernier coup de patte du froid ! vous comprenez bien qu’il est ici chez lui, et on ne peut guère le chasser sans qu’il résiste.

— Il se défend bien, répliqua Bell en se frottant le visage.

— Oui ! mais j’aurais dû m’y attendre, répliqua le docteur, et ne pas sacrifier mes graines comme un ignorant, d’autant plus que je pouvais, à la rigueur, les faire pousser près des fourneaux à la cuisine.

— Comment, dit Altamont, vous deviez prévoir ce changement de température ?

— Sans doute, et sans être sorcier ! Il fallait mettre mes semis sous la protec-