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LE DÉSERT DE GLACE

l’abri du vent, marqua même trente et un degrés au-dessus de zéro (−1° centig.) ; des symptômes de dégel vinrent à se manifester.

La glace commençait à se crevasser ; quelques jaillissements d’eau salée se produisaient çà et là, comme les jets liquides d’un parc anglais ; quelques jours plus tard, la pluie tombait en grande abondance.

Une vapeur intense s’élevait des neiges ; c’était de bon augure, et la fonte de ces masses immenses paraissait prochaine. Le disque pâle du soleil tendait à se colorer davantage et traçait des spirales plus allongées au-dessus de l’horizon ; la nuit durait trois heures à peine.

Autre symptôme non moins significatif, quelques ptarmigans, les oies boréales, les pluviers, les gélinottes, revenaient par bandes ; l’air s’emplissait peu à peu de ces cris assourdissants dont les navigateurs du printemps dernier se souvenaient encore. Des lièvres, que l’on chassa avec succès, firent leur apparition sur les rivages de la baie, ainsi que la souris arctique, dont les petits terriers formaient un système d’alvéoles régulières.

Le docteur fit remarquer à ses compagnons que presque tous ces animaux commençaient à perdre le poil ou la plume blanche de l’hiver pour revêtir leur parure d’été ; ils se « printanisaient » à vue d’œil, tandis que la nature laissait poindre leur nourriture sous forme de mousses, de pavots, de saxifrages et de gazon nain. On sentait toute une nouvelle existence percer sous les neiges décomposées.

Mais avec les animaux inoffensifs revinrent leurs ennemis affamés ; les renards et les loups arrivèrent en quête de leur proie ; des hurlements lugubres retentirent pendant la courte obscurité des nuits.