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LES ANGLAIS AU POLE NORD

mac une différence de température telle, que son absorption produit une suffocation véritable. Les Esquimaux préfèrent endurer les plus longs tourments à se désaltérer de cette neige, qui ne peut aucunement remplacer l’eau et augmente la soif au lieu de l’apaiser. Les voyageurs ne pouvaient donc étancher la leur qu’à la condition de fondre la neige en brûlant l’esprit-de-vin.

À trois heures du matin, au plus fort de la tempête, le docteur prit le quart de veille ; il était accoudé dans un coin de la maison, quand une plainte lamentable de Simpson appela son attention ; il se leva pour lui donner ses soins, mais en se levant il se heurta fortement la tête à la voûte de glace ; sans se préoccuper autrement de cet incident, il se courba sur Simpson et se mit à lui frictionner ses jambes enflées et bleuâtres ; après un quart d’heure de ce traitement, il voulut se relever et se heurta la tête une seconde fois, bien qu’il fût agenouillé alors.

« Voilà qui est bizarre, » se dit-il.

Il porta la main au-dessus de sa tête : la voûte baissait sensiblement.

« Grand Dieu ! s’écria-t-il. Alerte, mes amis ! »

À ses cris, Hatteras et Bell se relevèrent vivement et se heurtèrent à leur tour ; ils étaient dans une obscurité profonde.

« Nous allons être écrasés ! dit le docteur ; au dehors ! au dehors ! »

Et tous les trois, traînant Simpson à travers l’ouverture, ils quittèrent cette dangereuse retraite ; il était temps, car les blocs de glace, mal assujettis, s’effondrèrent avec fracas.

Les infortunés se trouvaient alors sans abri au milieu de la tempête, saisis par un froid d’une rigueur extrême. Hatteras se hâta de dresser la tente ; on ne put la maintenir contre la violence de l’ouragan, et il fallut s’abriter sous les plis de la toile, qui fut bientôt chargée d’une couche épaisse de neige ; mais au moins cette neige, empêchant la chaleur de rayonner au dehors, préserva les voyageurs d’être gelés vivants.