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LES ANGLAIS AU POLE NORD

Le docteur, Hatteras et Bell étaient pour ce dernier parti. Simpson poussait au retour ; les fatigues du voyage avaient altéré sa santé ; il s’affaiblissait visiblement ; mais enfin, se voyant seul de son avis, il reprit sa place en tête du traîneau, et la petite caravane continua sa route au sud.

Pendant les trois jours suivants, du 15 au 17 janvier, les incidents monotones du voyage se reproduisirent. On avançait plus lentement ; les voyageurs se fatiguaient ; la lassitude les prenait aux jambes ; les chiens de l’attelage tiraient péniblement. Cette nourriture insuffisante n’était pas faite pour réconforter bêtes et gens. Le temps variait avec sa mobilité accoutumée, sautant d’un froid intense à des brouillards humides et pénétrants.

Le 18 janvier, l’aspect des champs de glace changea soudain. Un grand nombre de pics, semblables à des pyramides, terminées par une pointe aiguë et d’une grande élévation, se dressèrent à l’horizon. Le sol, à certaines places, perçait la couche de neige ; il semblait formé de gneiss, de schiste et de quartz, avec quelque apparence de roches calcaires. Les voyageurs foulaient enfin la terre ferme, et cette terre devait être, d’après l’estimation, ce continent appelé le Nouveau-Cornouailles.

Le docteur ne put s’empêcher de frapper d’un pied satisfait ce terrain solide ; les voyageurs n’avaient plus que cent milles à franchir pour atteindre le cap Belcher ; mais leurs fatigues allaient singulièrement s’accroître sur ce sol tourmenté, semé de roches aiguës, de ressauts dangereux, de crevasses et de précipices ; il fallait s’enfoncer dans l’intérieur des terres et gravir les hautes falaises de la côte, à travers des gorges étroites dans lesquelles les neiges s’amoncelaient sur une hauteur de trente à quarante pieds.